Clara, l’angoisse d’un leader

A la fin de ses études


Quelques jours avant l’entrée en vacances de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, qui a eu lieu le vendredi 22 juillet 2022, le bâtiment de ’institution de formation artistique dont certaines ailes sont en travaux grouille aussi bien d’ouvriers de chantiers que d’étudiants, notamment, en fin de cycle. Parmi ces étudiants, Clara qui, sur plusieurs jours de suite, travaille sur les œuvres qu'elle doit exposer à la journée de remise de son diplôme, le 15 septembre 2022, semble imprégnée d’un mal de vivre, que traduit un acharnement à matérialiser son inspiration de l’instant.

 

Clara, au travail ...
  

« J’avoue que je n’ai pas de plans sur cinq ans ». Ce que lance Clara, cet après-midi bien ensoleillé de la deuxième quinzaine de juillet 2022, un peu à l’abri dans cet espace commun de travail artistique, entre deux échanges brefs avec des camarades de cinquième année ou d’amies de classe inférieure, quelques petits jours avant la fermeture de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, pour les vacances d’été. Il lui faut produire plusieurs œuvres d'art, qu'elle exposera, comme ses camarades de promotion, le 15 septembre 2022, la date officielle de sa sortie de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris.


Entre deux coups de ce petit instrument à creuser qu’elle donne dans du carton sur lequel elle a préalablement dessiné à l’encre de Chine apparaissent des personnages filiformes à la tête plus remarquable. Ce sont des motifs, renseigne-t-elle, un motif étant la « répétition d’un même symbole, d’un même signe », selon ce qu’elle définit.


Tout en continuant à manipuler ce qu’elle appelle une « serpe », elle avoue : « J’ai le trac … », à la perspective de ne plus devoir revenir à l’Ecole l’année prochaine et de passer à une étape de sa vie, dont les contours sont complètement flous, déjà qu’elle recevra son diplôme, à la sortie officielle d’une partie de sa promotion le 15 septembre 2022.


A propos de son avenir immédiat après son départ de l'Ecole, elle déclare, « Je préfère m’en foutre », sans cesser de creuser à partir de la tête de ses motifs. « Ce qui m’angoisse, c’est que ce soit la préoccupation de tout le monde alors qu’ils ne savent pas combien je m’en fous ». Dès qu’elle fait cet aveu, la violence de ses gestes artistiques s’estompe comme si sa conscience venait de se décharger de quelque chose d’immensément insupportable.


Elle reprend son souffle et revient à la charge : « Vivre au jour le jour me convient, pour l’instant ». Puis, elle argumente : « C’est déjà difficile de rester en vie et d’en faire un truc bien ». Et, conclusion : « Il faut mettre un pied devant l’autre ».


Pour Clara, en réalité, l’intérêt est ailleurs, plus global ; il ne faut, peut-être, pas une focalisation sur l’incertain : « Etre vivant, ça le fait ; on s’occupe, on regarde pousser les fleurs ».

 


L’autre angoisse …

Artiste contemporaine en fin de formation, récupératrice déjà, elle s’approprie le carton usager dont on n’a plus besoin dans l’Ecole pour le rendre précieux. Son énergie lui sert à le transformer en des œuvres d’art. De même, le papier est son autre matériau favori. Elle laisse percevoir cet aspect de sa démarche de travail quelques après-midis auparavant ; l’ambiance bruyante faite d’éclats de voix, de rires et de musique radiophonique ne la perturbe nullement.


Concentrée, elle dessine, sur du papier blanc, des papillons géants, variant les couleurs entre le bleu et le noir, une inspiration qu’elle tire d’une vision matinale à la vitre de la fenêtre de sa chambre : « Ce papillon que j’ai aperçu avait des antennes longues comme des cils, et des ailes blanches qui se déployaient en un manteau original ».


L’ardeur de Clara à évoluer dans son travail contraste avec un manque de visibilité : « Je ne sais même pas jusqu’où le dessin va aller ». Un autre paradoxe se profile, vu que l’activité dont elle déborde ne laisse pas entrevoir un débouché ferme : « On ne sait pas si les efforts qu’on fait vont valoir le coup ». 


Cependant, sa personnalité lui reste une bonne boussole : « J’essaie de faire des trucs qui me font plaisir ». De même, Clara est inventive : « Il y a toujours une idée dans le coin de la tête ».


Tous ces facteurs satisfaisants ne suffisent pas à lui épargner les difficultés quotidiennes car « des fois », [elle n’a] « pas d’argent, pas de temps, pas de matériel », même si, en tant que future artiste contemporaine, elle sait que vivre de son travail sera un véritable défi à relever à travers « vendre des expos, vendre des spectacles, vendre des œuvres ».


Elle doit l’assumer, étant donné une marge de manœuvre très faible au plan de ses potentialités professionnelles : « J’ai choisi d’être artiste parce que je ne savais rien faire d’autre ». Subitement, son visage s’éclaircit : « J’aurais pu faire de la caisse : je sais rendre la monnaie, je compte vite ! ».


Pour l’instant, ayant eu l’occasion de travailler, elle vit de ses économies et de l’aide qu’elle reçoit pour sa situation de chômeuse. Elle qui a été déléguée des étudiants de son école en 2019 garde une idée claire de ce qu’elle fera le 15 septembre 2022 : « Je range mes affaires, je prends mon diplôme et je me casse ! ». Qui sait ? Sa voix rauque sera, peut-être, celle d’une maire, d’une députée, d’une ministre ou d’une présidente de la République puisqu’il n’est jamais interdit de rêver.


Minsaily Kpogodo

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